Dans un arrêt du 10 février 2021 (n°19-20.397), la Cour de cassation clarifie les conséquences de la nullité du licenciement et du droit du salarié à demander sa réintégration. Elle précise que le fait que le salarié demandeur soit en poste n’est pas un obstacle à sa réintégration effective au sein de son ex-entreprise.
Le point de départ de cette affaire est le licenciement d’un salarié pour motif personnel, qu’il choisit de contester, s’estimant victime de faits constitutifs de harcèlement moral.
Devant la Cour d’appel de Bastia, il obtient ainsi la nullité du licenciement intervenu, dès lors que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des règles relatives au harcèlement moral est frappée de cette sanction.
L’employeur forme alors un pourvoi contre cette décision, dirigé non contre la reconnaissance du harcèlement moral subi, mais contre les conséquences de la nullité prononcée.
En effet, celle-ci ordonnait la réintégration du salarié, qui peut être systématiquement demandée par le salarié en cas de nullité du licenciement d’après une jurisprudence bien établie, peu importe la cause de la nullité [1].
L’employeur faisait valoir que cette réintégration était matériellement impossible, ce nouveau contrat de travail ne lui permettant pas d’exécuter la condamnation à réintégrer le salarié en raison du lien de subordination qu’il établissait avec un autre employeur.
En réalité, la jurisprudence considère que les cas où la réintégration s’avère matériellement impossible sont assez limités. Il peut s’agir de la fermeture de l’établissement [2] ou encore de liquidation de l’entreprise [3].
L’enjeu de ce pourvoi était donc la reconnaissance d’un nouveau cas de réintégration matériellement impossible, tiré du fait que l’ancien salarié de l’entreprise était lié par un contrat de travail en cours avec un autre employeur au jour où le juge était amené à statuer sur sa demande de réintégration.
Saisie de ce pourvoi, la Cour de cassation relève que sauf cas de réintégration matériellement impossible et justifiée, le droit du salarié à demander sa réintégration demeure quand bien même il serait entré au service d’un autre employeur entre temps.
Cette solution ne surprend pas, dès lors que la chambre sociale avait déjà par le passé considéré que le fait que les emplois dans lesquels la réintégration devait se faire étaient pourvus et que les salariés demandant leur réintégration avaient retrouvé un emploi, n’était pas un motif caractérisant une réintégration matériellement impossible [4].
Compte tenu du temps judiciaire et de l’incertitude sur la teneur de la décision, il semble logique que les salariés ayant introduit une action en justice afin de demander leur réintégration puissent, après l’introduction de l’action, travailler de nouveau au service d’un autre employeur.
En pratique, la difficulté vient des modalités concrètes de la réintégration à exécuter par la suite, notamment au regard de l’expérience acquise par le salarié entre temps et des nouvelles compétences qu’il a pu développer durant cette période.
[1] Cass. Soc., 30 avril 2003, n°00-44.811 ; Cass. soc., 14 février 2018, n°16-22.360
[2] Cass. Soc., 15 juin 2005, n° 03-48.094
[3] Cass. Soc., 20 juin 2006, n° 05-44.256
[4] Cass. Soc., 2 février 2005, n°02-45.085
Kevin Bouleau