Dans un arrêt du 8 avril 2021 (Cass. soc., 8 avril 2021, n° 19-22.097), la Cour de cassation considère que la délimitation géographique de l’obligation de non-concurrence qui s’étend au monde entier équivaut à une absence de délimitation dans l’espace.
Ainsi sa violation ne constitue pas un trouble manifestement illicite qui justifie la compétence du juge des référés.
Pour rappel, le régime de la clause de non-concurrence en droit du travail est entièrement prétorien et repose sur quatre critères cumulatifs :
l’existence d’une rémunération en contrepartie de la limitation de la liberté de travail qui ne peut être dérisoire [1] ;
l’existence d’intérêts de l’entreprise dont la protection par le biais de la clause est indispensable [2] ;
la prise en compte des spécificités de l’emploi du salarié, afin de ne pas l’empêcher de retrouver un emploi [3] ;
la délimitation de l’application de la clause dans le temps et dans l’espace [4].
Sur ce dernier point, il a pu être considéré que la clause de non-concurrence d’un salarié ayant travaillé successivement à Paris puis Hong-Kong, dont le champ d’application s’étendait à l’Europe et à l’Asie-Pacifique, ne constituait pas une limite excessive à la liberté de travail [5].
Dans cet arrêt du 8 avril 2021 [6], une salariée exerçant le métier de généticienne quittait son entreprise le 31 août 2018. Elle retrouvait rapidement un emploi et était mise en demeure le 17 septembre suivant par son ex-employeur de respecter la clause de non-concurrence applicable, laquelle définissait son champ géographique d’application par référence au « niveau mondial ».
L’ex-employeur saisissait finalement le juge des référés du Conseil de prud’hommes.
L’affaire est examinée par la Cour d’appel d’Angers, qui considère qu’un tel champ d’application ne rend pas en soi impossible par la salariée l’exercice d’une activité professionnelle.
Un pourvoi est formé devant la chambre sociale de la Cour de cassation.
Après avoir rappelé les quatre conditions cumulatives de validité mentionnées ci-dessus, la chambre sociale considère qu’un champ d’application mondial équivaut à une absence de limitation, du fait de l’imprécision de la zone désignée.
Une condition impérative faisant défaut, il existe donc une contestation sérieuse dans l’affaire en cause, et la violation de ladite clause ne constitue pas un trouble manifestement illicite.
Si l’affaire avait été portée au fond, la clause aurait probablement été jugée nulle.
Il apparaît donc que la zone géographique d’une telle clause ne peut être exagérément étendue.
Compte tenu de l’appréciation in concreto des éléments de validité de la clause de non-concurrence par les juges du fond, on peut cependant s’interroger afin de savoir si la solution aurait été différente en présence d’un salarié, cadre de haut niveau, avec des fonctions étendues au niveau mondial.
En effet, le fait que cette décision concerne avant toute chose la compétence du juge des référés fait planer un doute sur la possible généralisation de sa portée.
[1] Cass. soc., 13 janvier 1998, n°95-41.480.
[2] Cass. soc., 13 janvier 1998, n°95-41.480.
[3] Cass. soc., 10 juillet 2002, n°00-45.135.
[4] Cass. soc., 31 octobre 2005, n° 04-46.119.
[5] Cass. soc., 3 juillet 2019, n° 18-16.134.
[6] Cass. soc., 8 mai 2021, n°19-22.097.
Kevin Bouleau