La rupture conventionnelle est nulle lorsqu’à la date de sa conclusion, l’employeur avait dissimulé au salarié l’existence d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi (« PSE ») en cours de préparation, prévoyant la suppression de son poste, et que cette dissimulation avait été déterminante du consentement de celui-ci (Cass. soc., 6 janvier 2021, n°19-18.549).
Dans cette affaire, un salarié avec quinze années d’ancienneté quitte son entreprise après conclusion d’une rupture conventionnelle en décembre 2015.
Concomitamment, un « plan d’action » est présenté afin de redresser la société qui fait face à des difficultés économiques.
Le salarié apprend par la suite ensuite que son ancien employeur présente un projet de PSE devant le Comité d’Entreprise en février 2016, soit seulement deux mois après son départ.
L’ex-salarié entame alors une action en nullité du protocole de rupture conventionnelle, en raison des manœuvres réalisées par la société, qu’il estime être dolosives.
Pour rappel, le dol se définit comme un ensemble de faits commis par une partie afin d’obtenir le consentement de son cocontractant, qui n’aurait pas été donné en l’absence de ceux-ci [1].
La possibilité d’agir en nullité d’une rupture conventionnelle n’est pas récente, la Cour de cassation ayant déjà retenu que celle-ci était possible si le salarié était victime d’un harcèlement moral [2], si tant est que ce harcèlement ait provoqué un vice du consentement chez le salarié [3].
S’agissant plus spécifiquement du dol, la Chambre sociale avait déjà précisé par le passé la nullité de la convention de rupture conclue alors que l’employeur avait induit le salarié en erreur en lui promettant une indemnité au titre de sa clause de non-concurrence avant de le délier de cette dernière [4].
Le débat devant la Cour d’appel d’Agen est plus original : l’employeur aurait-il dû révéler l’existence du projet de PSE à son salarié, au lieu de rompre son contrat de travail au moyen de la rupture conventionnelle, à des conditions moins avantageuses ?
La Cour répond par l’affirmative, considérant que l’existence d’un plan d’action en décembre 2015 et la présentation du PSE deux mois après, prévoyant de multiples licenciements et des mesures d’accompagnement, étaient nécessairement connues par l’employeur. De plus, elle considère que l’employeur ne pouvait ignorer que le poste du salarié en question serait supprimé.
L’employeur soutenait de son côté que l’élément intentionnel du dol, soit la volonté de tromper, n’était pas démontré, et qu’en tout état de cause le salarié avait accepté le principe d’une rupture conventionnelle alors que l’entreprise connaissait déjà des difficultés économiques, sans pour autant qu’aucune mesure définitive n’ait déjà été prise.
La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société, et se range à l’appréciation souveraine des juges du fond, qui est la norme en matière d’appréciation de l’existence d’un vice du consentement entachant la validité de la rupture conventionnelle d’un contrat de travail [4].
Elle considère que la cour d’appel, par son appréciation souveraine, a caractérisé que
« l’employeur avait dissimulé au salarié l’existence, à la date de conclusion de la convention de rupture, d’un plan de sauvegarde de l’emploi en cours de préparation, prévoyant la suppression de son poste, et que cette dissimulation avait été déterminante du consentement de celui-ci ».
En pratique, cette solution pourrait se révéler être d’une importance cruciale dans les prochains mois à venir, marqués par de nombreux projets de réorganisation en préparation.
Il conviendra alors pour les employeurs comme pour les salariés d’être particulièrement attentifs en cas de conclusion d’une rupture conventionnelle au contexte économique dans lequel évolue l’entreprise, et aux possibles projets de transformation envisagés.
[1] Article 1137 du Code civil.
[2] Cass. soc., 30 janvier 2013, n° 11-22.332.
[3] Cass. soc., 23 janvier 2019, n°17-21.550.
[4] Cass. soc., 9 juin 2015, n°14-10.192.
[5] Cass. soc., 16 septembre 2015, n°14-13.830.
Kevin Bouleau