Lors du Conseil des ministres du 22 avril 2020, le Gouvernement indiquait sa volonté de « favoriser la reprise rapide de l’activité économique dans des conditions protectrices pour les salariés » [1].
Les entreprises reprenant leur activité à compter du 11 mai 2020 devront procéder à une réévaluation des risques, en y associant leurs représentants personnel et les acteurs de santé au travail, afin de mettre en œuvre des mesures de prévention adaptées à leur organisation.
En effet, en application des articles L4121-1 et L4121-2 du Code du travail, l’employeur doit « prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité, protéger la santé physique et mentale des travailleurs ».
C’est dans ce cadre de cette obligation à la charge de l’employeur et dans ce contexte crise sanitaire, que le « référent Covid-19 » a été mis en place dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) avec pour missions de « coordonner les mesures à mettre en œuvre et à faire respecter ».
Au regard de ses attributions et de l’organisation complexe de certaines entreprises, la question de la mise en place volontaire d’un tel référent dans d’autres secteurs d’activité se pose.
I. Le référent COVID-19 dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP)
Le « Guide de préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités de la construction en période d’épidémie de coronavirus COVID-19 [2] » prévoit en effet la possibilité de désigner un « référent COVID-19 » pour l’entreprise et par chantier.
Ce nouvel acteur, exerçant par exemple au sein de l’entreprise des fonctions de « chef de chantier » ou encore de « salarié chargé de prévention » aurait pour mission de « coordonner les mesures à mettre en œuvre » et à « faire respecter » les consignes sanitaires mises en place.
Il faut noter qu’à ce jour, la mise en place de ce « référent COVID-19 » :
- ne relève pas d’une obligation mais bien d’une préconisation ; et
- ne concerne que les sociétés relevant du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP).
Nécessitant très souvent l’intervention de nombreuses entreprises et salariés sur un même chantier, ce rôle de coordination a en effet pleinement vocation à s’appliquer dans ce secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP).
Néanmoins, au regard des obligations de l’employeur en la matière, des risques de responsabilité accrus en raison de cette épidémie et des dernières décisions en la matière, ce référent pourrait se généraliser à d’autres entreprises relevant d’autres secteurs d’activité.
II. Vers une généralisation du référent COVID-19 à d’autres secteurs d’activité ?
Pour rappel, l’obligation de l‘employeur concernant la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs est une obligation de moyens renforcée. Ainsi, l’employeur engagera sa responsabilité en cas de manquement à ses obligations, sauf s’il est en capacité de démontrer avoir pris les mesures générales de prévention prescrites par la loi [3].
Le 24 avril 2020, dans la médiatique affaire « Amazon France Logistique », la Cour d’Appel de Versailles est venue confirmer l’ordonnance rendue le 14 avril 202, enjoignant à cette société, et en y associant les représentants du personnel, de procéder à l’évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de Covid-19 sur l’ensemble de ses entrepôts ainsi qu’à la mise en œuvre des mesures prévues à l’article L4121-1 du Code du travail [4].
Premier exemple d’une longue série de contentieux futurs en la matière, les sociétés, quel que soit leur taille ou leur secteur, devront porter une attention toute particulière lors de cette reprise d’activité concernant :
- Premier exemple d’une longLes mesures à prendre et leur mise en œuvre effective concernant la santé et la sécurité des personnes au sein de leur organisation (i.e, les salariés, les prestataires de services, les clients, etc.) ;
- L’intégration des parties prenantes dans ce domaine, aussi bien au stade de l’élaboration que de la mise en œuvre et le suivi de leur application (i.e, les service ressources humaines, les représentants du personnel, les responsable QSE, les services de santé au travail, etc.).
C’est dans cette démarche que pourrait s’inscrire la généralisation du « référent covid-19 » à d’autres secteurs d’activité, et en particulier au sein des entreprises confrontées à une organisation complexe ou décentralisée.
Cette mise en place d’un référent COVID-19 pourrait donc se faire de manière volontaire, comme par exemple dans le Cadre d’un Plan de Reprise d’Activité (PRA) ou d’un Plan de Continuité de l’Activité (PCA).
Proposé à un ou plusieurs salariés (en fonction de la taille et de l’organisation de l’entreprise) bénéficiant des compétences en la matière, ses missions devront néanmoins être encadrées.
En pratique, elles pourraient aller de la mise en œuvre à la coordination et au contrôle du respect des règles d’hygiène et de sécurités décidées au sein de l’entreprise.
Ce référent deviendrait ainsi un nouvel interlocuteur des salariés, en coopération avec les acteurs déjà existants dans l’entreprise (le services ressources humaines, les membres du Comité Social et Economique, le service de santé au travail, les sauveteurs secouristes, etc.).
En pratique, le choix de ce référent et l’encadrement de ses missions pourrait se faire lors de la réunion du Comité Social et Economique liée à la reprise de l’activité. En effet, dans le cadre d’une reprise d’activité au sein d’une entreprise de plus de 50 salariés, le Comité Social et Economique devra être informé et consulté sur les sujets relevant de l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise ou encore en cas d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail [5].
Dans cette période d’insécurité juridique, ce nouvel acteur pourrait donc venir au soutien des interlocuteurs déjà existants afin de garantir de manière effective la santé et la sécurité des salariés.
[1] Compte rendu du Conseil des ministres du 22 avril 2020.
[2] Réalisé par les experts de l’Organisme Professionnel de Prévention du Bâtiment et des Travaux Publics (OPPBTP), avec le soutien de médecins du travail et de préventeurs, ce guide a reçu l’agrément d’organisations professionnelles et syndicales représentatives du BTP (CAPEB, FNB…) et des ministères du Travail, de la Transition écologique et solidaire, de la Ville et du Logement, des Solidarités et de la Santé.
[3] Cass. soc., 25 nov. 2015, n° 14-24.444.
[4] CA Versailles, Amazon France logistique c/ Union syndicale Solidaires.
[5] Article L. 2312-8 du Code du travail.