La privation d’effet d’une convention de forfait-jours rend le paiement des jours de réduction du temps de travail (« JRTT ») accordés indus. L’employeur est donc en droit d’en réclamer le remboursement au salarié.
Dans cette affaire, un salarié licencié en 2014 a contesté la validité de sa convention individuelle de forfait-jours, considérant que cette dernière méconnaissait les dispositions conventionnelles relatives aux modalités d’application de ladite convention (contrôle et suivi de la charge de travail, du nombre de jours travaillés, etc.).
Devant la Cour d’appel de Rennes, la convention individuelle de forfait-jours est privée d’effet, pendant la durée de l’irrégularité.
Cette solution est classique, la jurisprudence de la Cour de cassation étant abondante à ce sujet [1].
La suite est plus originale. En effet, si l’employeur consent à verser les différents rappels de salaires en découlant, il se pourvoit en cassation devant le refus de la Cour d’appel de condamner le salarié au remboursement des sommes correspondantes aux JRTT.
La Cour d’appel considérait en effet que la privation d’effet de la convention, qui n’était pas annulée, ne pouvait avoir pour conséquence de priver le salarié de l’octroi de ces JRTT.
Saisie de ce pourvoi, la Cour de cassation raisonne sur le terrain du droit commun, au regard de l’article 1376 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations [2].
Cet article relatif à la répétition de l’indu indique en effet que
« celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s’oblige à le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu ».
La Cour de cassation casse ainsi l’arrêt rendu par la Cour d’appel, précisant :
« Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait retenu que la convention de forfait à laquelle le salarié était soumis était privée d’effet, en sorte que, pour la durée de la période de suspension de la convention individuelle de forfait en jours, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention était devenu indu, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
La Haute juridiction considère ainsi que le paiement reçu par le salarié concernant ses JRTT est devenu indu, en raison de la privation d’effet de la convention de forfait-jours.
En pratique, cette jurisprudence a pour conséquence en cas de condamnation de l’employeur, d’obliger non plus le seul employeur au paiement de rappels de salaire lié aux heures supplémentaires effectuées, mais également le salarié à rembourser les JRTT dont il a bénéficié dans le cadre de ladite convention.
Cette décision est de bon sens, la forfaitisation du temps de travail ayant pour contrepartie le paiement de JRTT, formant un ensemble indissociable.
La privation de cette forfaitisation première modalité entraîne logiquement celle du remboursement des JRTT. Cet arrêt ne manquera pas d’entraîner des demandes reconventionnelles de la partie défenderesse dans le cadre de contentieux liés au forfait-jours.
[1] Cass. soc. 29 juin 2011 n° 09-71.107, Cass. soc. 2 juillet 2014 n°13-11.940, Cass. soc. 25 janvier 2017 n° 15-21.950.
[2] Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
Kevin Bouleau